juin 14

La liberté d’être

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Longtemps, j’ai laissé les autres décider pour moi, car je pensais que ma famille et mes proches savaient mieux pour moi ce qu’il me fallait. D’origine chinoise, j’ai été baignée dans ma plus tendre enfance dans cette double culture, et j’ai porté longtemps le poids des traditions familiales. Depuis enfant, comme c’est le cas dans beaucoup de familles asiatiques, je n’étais pas encouragée à exprimer mes sentiments, au contraire, il fallait les refouler, ne surtout pas montrer aux autres ce que je ressentais ou ce que je désirais… Montrer ses sentiments, c’est une marque de faiblesse, c’est parfois perdre la face. Alors il fallait porter sans arrêt un masque, montrer que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, ne surtout pas montrer que nous sommes avant tout humains, tous uniques dans notre vulnérabilité et nos imperfections.

Après le viol, je ne pouvais encore moins montrer mes sentiments qui me rongeaient de l’intérieur, comme je n’avais jamais appris à les exprimer, alors j’ai fait ce que j’avais toujours fait depuis mon enfance, refouler mes émotions. Toute cette peur, cette solitude, cette culpabilité et honte ont fait partie intégrante de mon combat intérieur, moi seule face à moi-même. Dans mon monde intérieur, c’était un champ de bataille, complètement dévasté, il ne restait que des ruines… Et moi au milieu de cet univers ravagé, il me fallait tout reconstruire seule, pierre après pierre… Mais j’ai réussi ce pari fou qui me semblait impossible, il m’a fallu un peu plus de 20 ans pour renaître de mes cendres, mais ce chemin de croix que j’ai dû faire seule, j’en suis si fière aujourd’hui.

Ainsi, pendant tout le temps de ma reconstruction, j’ai accepté que l’on décide pour moi puisque je n’étais pas capable de le faire. Ma vie a été une succession de “tu dois…” ou “il faut que tu…”, et j’ai accepté ces règles sans conditions.

A 15 ans, j’étais rentrée sur dossier scolaire au lycée Henri IV en classe de Première S. Mais j’ai décroché après cette nuit où tout avait basculé. Je n’avais plus envie de réfléchir ni étudier comme je l’avais toujours fait, j’avais perdu la motivation, alors lorsque certains professeurs, avec beaucoup d’hésitation pour mon cas, m’ont proposé le redoublement en fin d’année scolaire, j’ai accepté cette solution de facilité. J’aurai pu refuser, car à l’époque c’était juste une préconisation mais elle n’était pas obligatoire, c’est moi qui avait le choix final. Mais j’ai accepté ce qui m’était proposé, en pensant que mes professeurs savaient mieux pour moi. Finalement, faire deux fois la même année n’était peut-être pas la meilleure des solutions, j’aurai très bien pu suivre en classe de Terminale avec un effort de concentration, mais j’avais envie de faire une pause dans ma vie.

A 19 ans, j’étais en stage à l’étranger à la fin de ma première année de BTS commerce international, et à mon retour de voyage, mes parents m’ont demandé d’arrêter mes études, pour m’occuper de la boutique qu’ils venaient d’acquérir. Parce que j’étais l’aînée, et parce qu’une fille n’a pas besoin de faire des études longues, puisqu’au final elle devra travailler avec son mari ou sa belle-famille après le mariage… Je n’ai pas osé refuser le sacrifice qu’ils me demandaient, ni faire entendre suffisamment mon vœu cher de continuer à étudier, d’être indépendante, alors j’ai accepté à contre cœur que mes parents fassent ce choix pour moi. Puisqu’ils sont mes parents, ils savent mieux que moi ce qui est bon pour moi, c’est ainsi que je pensais. C’est ainsi qu’à 19 ans, je suis rentrée dans la vie active, et j’ai appris sur le tas, à l’école de la vie.

Puis je me suis mariée très jeune, à 23 ans, je suis rentrée ainsi dans le moule, ce chemin tout tracé par les traditions familiales et dont j’étais conditionnée depuis mon plus jeune âge :

  • il faut se marier jeune
  • tu dois faire des enfants (et rapidement après le mariage, et si possible donner un fils pour que la lignée soit assurée)
  • tu dois travailler ensemble avec ton mari
  • tu dois appeler tes beaux-parents “papa” et “maman”, les considérer comme ta nouvelle famille, les honorer, mais il ne faut pas exprimer tes sentiments. Et si tu décides quelque chose, il faut qu’ils soient d’accord.
  • tu dois penser aux autres avant de penser à toi
  • il faut que…, tu dois…, la liste était si longue…

Ma route était déjà toute tracée, je n’avais pas mon mot à dire, c’est ainsi c’est tout. Et bien entendu, j’ai accepté toutes ces règles, j’ai fait tout ce qu’on attendait de moi. J’ai accepté de porter le masque de Madame Parfaite.

Mais je ne regrette rien de ma vie, je suis fière de ce que j’ai construit pendant toutes ces années, j’étais co-responsable aussi. Puisque je n’exprimais pas mes désirs, j’ai accepté que l’on choisisse pour moi. Il s’agissait pour moi d’une étape nécessaire de ma vie, j’ai beaucoup appris sur moi-même. Il était le temps pour moi de me poser, avoir une situation stable, de me marier et fonder une famille. Il y a un temps pour tout dans la vie.

Il y a 3 ans, après avoir pu libérer ma parole sur mon traumatisme passé, j’ai commencé à faire un travail personnel sur moi, appris à me connaître, et je me suis prise de passion pour le développement personnel. C’est à partir de cette libération intérieure que j’ai commencé à changer petit à petit.

Puis un jour, en me réveillant un matin, j’en ai eu assez que l’on choisisse pour moi, car ces choix allaient parfois à l’encontre de mes propres envies ou désirs. J’ai pris conscience d’une seule certitude : celle de passer le reste de mes jours avec moi-même, alors autant être en accord avec soi. Je me suis posé la question de savoir ce que je voulais vraiment, si je voulais prendre le risque de regretter un jour de ne pas avoir su choisir dans ma vie. C’est ainsi que j’ai réalisé ce que j’étais la seule à savoir ce qui était le mieux pour moi.

C’est ainsi que j’ai changé au fur et à mesure les “tu dois”, “il faut que tu” qui avaient guidé ma vie jusque là en :

  • “je veux”
  • “je désire”
  • “j’ai envie de”
  • “je choisis de”
  • “j’aime”
  • “je souhaite”
  • “j’aspire à”

Et ma vie s’en est trouvée complètement transformée ! Un monde nouveau, rempli de possibilités et nouvelles opportunités, de chances à saisir, de rencontres magiques et déterminantes s’est ouvert à moi.

J’ai fait le choix :

  • de m’aimer, m’approuver et me respecter
  • d’écouter enfin mon cœur, et de suivre que qu’il me dicte
  • de suivre mon intuition
  • de croire en moi, en mes ressources et mon potentiel
  • de ne plus douter ni avoir peur, mais d’écouter mes désirs cachés derrière chaque peur
  • de vivre mes passions
  • de réaliser mes rêves, et dresser une bucket list (ma fameuse liste de vie !)
  • de ne jamais cesser d’apprendre, encore et toujours, chaque jour de ma vie, et reprendre des études pour acquérir de nouvelles compétences
  • de vivre la vie que je choisis, belle, épanouie, remplie de petits et grands bonheurs
  • d’être enfin libre d’être moi-même
  • d’être reconnaissante à la vie pour chaque journée qui m’est donné à vivre

Je suis heureuse aujourd’hui, et je m’estime tellement chanceuse. De mon traumatisme passé, je n’en garde plus aucune souffrance, au contraire j’ai grandi et appris beaucoup sur moi-même, et j’en ai tiré des leçons de vie inestimables. J’ai eu cette seconde chance de revenir à la vie, de renaitre après cette épreuve, plus forte que jamais, et je ressens une infinie gratitude envers la vie pour cette opportunité qui m’est donnée. Alors je ne veux pas gâcher une seule journée de ma renaissance !

C’est parce que j’ai appris enfin à m’aimer et à écouter mon cœur que tout cela est devenu possible. J’ai décidé de vivre et de profiter de ma seconde vie, celle que je choisis, en m’offrant ce cadeau qui n’a pas de prix : la liberté d’être soi-même…

 

La liberté et l’amour vont de pair. Sans amour, il n’est point de liberté.

(Krishnamurti)

 

Réaliser ses rêves : ma Bucket list
Nous sommes toutes des Résilientes

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  1. Encore merci pour ton témoignage plein de force , de vérités et d’espérance… j’ai fait le choix de “m’approuver (…) sachant que j’ai la certitude de vivre le restant de mes jours avec moi même”. Ce blog est un trésor d’espérance. Merci infiniment.

    1. Ma chère Julia,
      C’est moi qui te remercie du fond du cœur de me suivre et de me lire, d’avoir toujours été là pour me soutenir et m’encourager depuis la création de mon blog. Je t’embrasse et te dit à très bientôt !

  2. Merci beaucoup pour ce très bel article qui résonne beaucoup avec ce que je traverse actuellement. Ça me réchauffe le coeur de voir qu’on peut traverser tout ça et s’en sortir et je suis terriblement reconnaissante pour cette résilience dont tu es un parfait exemple.

    Je t’embrasse !

    1. Merci Pauline pour ton message, j’en suis très touchée ♥ Je suis heureuse de pouvoir aider à travers mon témoignage, en partageant mon parcours avec vous toutes. Je te souhaite bonne continuation sur le chemin de ta résilience, où tu verras que le meilleur est à venir ! Je t’embrasse et te dit à bientôt !

  3. Il y a toujours un avant et un après cette prise de conscience. La mienne s’est faite progressivement. Tu m’as donné une idée d’article. Bravo à toi, en tout cas.

    1. Merci Elisa pour ton message et tes encouragements ! Tout à fait, comme tu le dis si bien, il a en effet un avant et un après, et il n’est jamais trop tard pour le faire. À bientôt !

  4. Bravo Anya, je suis très fier de toi , laisse le passé c’est du passé , regarde tout ce que tu as construit aujourd’hui , les plus chers sont tes enfants et ton mari. La famille est fait partie de notre vie ! On ne peux être heureux que si tout le monde sont heureux… de bien discuter , partager avec les plus chers du monde (la famille), d’écouter un peu de leur envies, c’est aussi une s’auto coaching ^^ . Gros bisou à toi, je commente mon point de vue ^^ , peut-être j’ai besoin un coup de coaching aussi hahahaha …

    1. Chère Vickie,
      Merci pour ton message, j’ai été ravie de pouvoir échanger avec toi hier, et partager nos points de vue sur la vie 😉
      Gros bisous et à très bientôt !

  5. Ca me fait énormément plaisir d’en apprendre plus sur toi, sur tes expériences et ton vécu, malgré le trop peu d’interraction que j’ai avec la famille.
    Ca me réchauffe le coeur de savoir que tu es plus épanouie maintenant, dans tes choix et dans la vie que tu mènes.
    Porte toi bien.
    Bises.

    1. Ma très chère Laurence,
      Je suis émue de lire ton message, merci de me suivre. J’espère pouvoir te revoir prochainement, pour apprendre à se connaître mieux et resserrer les liens familiaux. Je t’embrasse fort ainsi que ta jolie petite famille ♥ A très vite !

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