mai 24

La mémoire du corps

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N.B : Cet article de blog a été sélectionné puis relayé sur le Huffington Post en mai 2018 sous le titre : “Il m’a fallu plus de 20 ans pour réaliser que l’origine de tous mes problèmes de santé était le viol que j’avais subi”

A découvrir ici : Mon article sur le Huffington Post


Le corps a une mémoire, puissante, inaltérable et extrêmement intelligente. Le corps parle par là où il a souffert, c’est aussi simple que cela. Lorsque les mots ne peuvent sortir par la parole, le corps se charge de créer des maux pour pouvoir communiquer. Et si on ne l’écoute pas, il va parler de plus en plus fort, jusqu’à se révolter. C’est l’intelligence du corps humain.

Longtemps, j’ai ignoré ces maux, qui étaient en réalité des mots que mon corps m’envoyait et que je ne savais malheureusement pas entendre ni écouter. C’était sa façon de communiquer avec moi, me dire qu’il n’était pas d’accord avec mon choix de me taire pour fuir et essayer d’oublier ce qui était arrivé. Je n’avais pas su écouter ce que mon corps avait à me dire, ni comprendre tous les signaux d’alerte et de détresse qu’il m’envoyait.

Il m’a fallu également plus de 20 ans pour enfin commencer à l’écouter, c’est le même temps qu’il m’a fallu pour me libérer par la parole. J’étais passée à côté de tous les signes évidents, ces maux divers et variés, liés à un passé que je n’arrivais pas à surmonter. Mon corps aussi a communiqué pendant toutes ces années par là-même où il avait souffert. C’était son cri de révolte face à mon silence.

Tout d’abord, tous les problèmes gynécologiques que j’ai accumulé pendant toutes ces années, sans en comprendre l’origine véritable, ni la signification : mycoses à répétition, infection urinaire, bartholinite, infections vaginales diverses dont une assez sévère à staphylocoques que j’ai mis des semaines à soigner, condylomes, jusqu’à un arrêt complet de mes règles pendant 6 mois. C’est ce dernier symptôme qui m’a fait réaliser que ces troubles étaient liés à mon mental, car médicalement tout allait bien.

Jusque là, je ne faisais que soigner des symptômes sans en rechercher l’origine, et mon corps en créait donc d’autres, les manifestations s’empiraient avec le temps. L’accalmie n’était que temporaire, de quelques mois à quelques saisons dans le meilleur des cas, avant que mon corps ne parle de nouveau. Puisque je n’étais pas à l’écoute de mon propre corps, les symptômes se manifestaient avec le temps de plus en plus violemment, jusqu’à ce que prenne enfin conscience que l’origine de ces troubles était le traumatisme du viol, et que c’est moi-même qui me créait ainsi toutes ces maladies. En soignant juste les symptômes, cela ne soignait pas la cause véritable. Je m’évertuais à traiter uniquement la plaie superficielle visible alors que sous la chair, c’était des entailles profondes et immenses qui étaient cachées en dessous, et qu’il était impossible à faire cicatriser complètement car je les ignorais. Tôt ou tard, la blessure ressort, suppure, s’infecte, et s’étend. Mais une fois que la parole a été enfin libérée, en traitant l’origine au lieu d’un symptôme, cela a mis fin aux maux créés par mon propre corps. Plus besoin de créer toutes ces maladies et troubles divers, et c’est ainsi que ma libération est devenue totale, à la fois dans mon esprit et dans mon corps.

J’aurai pu m’épargner des consultations chez des médecins, gynécologues, ainsi des spécialistes de la médecine alternative quand la médecine classique avait ses limites (acupuncteur, homéopathe, ostéopathe…) si seulement j’avais compris que mon corps me parlait après le viol, pour me dire qu’il se souvenait de tout, que sa mémoire était bien intacte et qu’il était en souffrance, à cause de mon silence. Aujourd’hui que j’ai enfin pu libérer ma parole et levé le secret sur mon passé, après avoir fait un travail personnel pour me reconstruire, tous ces maux sont partis… Il était temps, car si j’étais restée dans mon silence encore plus longtemps, les symptômes auraient été de plus en plus sévères, je suis persuadée qu’un jour ils auraient pu se transformer en cellules cancéreuses à cet endroit-même qui était à l’origine de ces douleurs, en cancer du col de l’utérus par exemple.

Outre mes soucis gynécologiques, je souffrais également de troubles du sommeil. Mes insomnies aussi étaient des signaux d’alerte de mon corps, et j’ai mis plus de 20 ans à comprendre et réaliser pourquoi j’avais le sommeil si léger, pourquoi le moindre bruit me réveillait en sursaut. Longtemps, j’avais pensé que mon sommeil léger était du fait de mes enfants en bas âge, qui se réveillaient la nuit soit pour une couche à changer, pour être nourris ou être bercés. Je pensais que c’était parce que j’étais devenue maman et que c’était normal d’être à l’affût du moindre son, du moindre bruit, je me disais que c’était l’instinct maternel. Mais mes enfants ont grandi et j’ai gardé ce sommeil léger qu’un rien ne réveille : le bruit du vent, celui des gouttes de pluie, le bruit de pas sur le parquet, le son lointain de la chasse d’eau, le robinet ou la douche qui goutte lentement alors que la salle de bains n’était pas attenante à la chambre, la respiration plus ou moins marquée des membres de la famille, le tic-tac d’une montre, le bruit de la ventilation dans une chambre d’hôtel, les moustiques qui frôlent mon oreille, les oiseaux qui chantent dès l’aube, le son d’un message qui arrive sur le téléphone portable en pleine nuit, et même la vibration imperceptible d’un téléphone posé sur le chevet et mis sur vibreur dans le pire des cas… La liste est longue, mais un rien me réveillait, et plus le temps passait, et plus la liste des sons incommodants devenait longue.

Mon ouïe, surtout nocturne, a été exacerbée depuis la nuit du viol. Car cette nuit-là, bâillonnée et ligotée, privée de ma vue et de la parole, le seul sens qui me restait était l’ouïe, et les sons étaient les seuls souvenirs qui me restaient… Depuis cette nuit, j’ai une ouïe nocturne extrêmement développée, c’est une mémoire du traumatisme subi. Dans mon sommeil, je ne pouvais jamais lâcher prise ni dormir complètement détendue depuis l’âge de 15 ans, mon corps restait à l’affût du moindre son, de la moindre anomalie sonore, je dormais complètement contractée, impossible de relâcher ces tensions musculaires dans mon dos et mes cervicales.

Puis un jour, j’ai commencé à regarder à quelle heure je me réveillais, et les résultats étaient surprenants. C’est ainsi que j’ai compris que lorsque je me réveillais en pleine nuit, c’était toujours aux alentours de la même heure fatidique : vers les 4 heures du matin… Je n’avais qu’à vérifier sur ma montre, c’était quasiment toujours vers cette heure, parfois 3h45, 4h, 4h10, mais en tous cas toujours ce créneau horaire. Cela ne pouvait pas être qu’une coïncidence, j’ai l’intime conviction aujourd’hui que c’était sans aucun doute l’heure du crime. Mon corps ne peut pas se tromper, il possède cette faculté incroyable, une véritable horloge interne, et dans les moments les plus difficiles, il m’arrivait de me réveiller parfois plusieurs fois par semaine aux alentours de cette heure. Bien sûr, je ne me réveillais pas chaque nuit ainsi, je n’aurai jamais pu tenir à ce rythme si je ne dormais que 3 ou 4 heures par nuit, mais cela m’arrivait au moins une fois par semaine, voire plusieurs nuits de suite dans les pires moments. J’ai tenu à ce rythme plus de 20 ans, de l’année de mes 15 ans jusqu’à l’année dernière.

Aujourd’hui, après un travail personnel pour surmonter ce passé, depuis mon dépôt de plainte et mon travail d’écriture, je dors bien mieux. S’il m’arrive encore d’avoir parfois des réveils nocturnes, bien moins fréquents, ce n’est plus pour les mêmes raisons, et surtout dans ces cas, je ne me réveille plus systématiquement vers 4h du matin… Petit à petit, avec le temps, je retrouve des cycles de sommeil normaux, et cela me change la vie. En suivant les bons conseils d’un ami, je dors depuis quelques mois avec des bouchons d’oreille, et cela va tellement mieux, j’entends beaucoup moins tous les bruits parasites autour de moi. Pouvoir supprimer une grande partie de ces sons a complètement changé la qualité de mon sommeil, je ne pourrai plus me passer de mes bouchons aujourd’hui !

Un grand nombre de maladies ou troubles chroniques est lié à notre état psychique, à une mémoire corporelle des traumatismes subis. Notre corps a cette faculté inouïe de parler par là où il a souffert. Et tôt ou tard il sait se faire entendre, par la violence de ses maux, en créant des inflammations diverses et des maladies plus ou moins sévères. Il était temps que j’écoute enfin ce que mon corps avait à me dire, pour arrêter de souffrir, pour me libérer, corps et âme.

 

Derrière toute peur se cache un désir
Je refuse de subir

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  1. Je viens de terminer la lecture de ton dernier article. Une écriture toujours aussi juste mais surtout imprégnée d’une force émotionnelle qui vibre au plus de profond de nous. Content de savoir que ce bel esprit ainsi que ce beau corps, qui sont indissociables, guérissent en harmonie.

    1. Cher Stéphane,
      Tes mots me vont doit au cœur ♥ Je tiens à te remercier pour ton soutien, tes encouragements, pour avoir cru en moi et en mon potentiel. Merci encore pour ce magnifique poème qui m’a tant inspirée et m’a donné l’envie d’écrire à mon tour. C’est ainsi que ce blog a vu le jour, et je suis heureuse de partager ici mon chemin de vie vers le bonheur ? A très bientôt !

  2. Je découvre ce blog à l’instant grace à HelloCoton. Je ne manquerai pas de revenir.

    Merci pour cet article.

    A très bientôt

    1. C’est moi qui te remercie Michele pour ton message et de me suivre 🙂
      A très bientôt !

  3. Un billet poignant…Bravo à toi d’avoir eu le courage de l’écrire 🙂 Oui, le corps est vraiment surprenant et il est vrai, se souvient de tout…Bonne soirée !

    1. Merci pour ton message et tes encouragements, j’en suis très touchée ♥
      A bientôt !

  4. Bonjour,

    Très bel article (et blog). Je vous conseille de vous renseigner sur la méthode Tipi 🙂

    Bien à vous,

    Xénia

    1. Merci Xénia ! Je ne connais pas cette méthode, je vais y jeter un coup d’œil 🙂 Belle journée !

  5. Merci encore pour ce témoignage Anya. Lorsque j’ai commencé à le lire, je me suis mise à trembler tellement c’était moi! C’est étrange à quel point les histoires peuvent être différentes, mais les maux sont les mêmes. Le viol est un traumatisme épouvantable et malheureusement, sous-estimé quant à ses conséquences. Le fait de partager ton histoire, on se sent moins seule. On comprend que ce que l’on vit, ce n’est pas par hasard. Le corps enregistre le traumatisme et continu à lutter contre ce viol bien malgré nous. Heureusement, il y a de l’espoir. La preuve, je t’ai rencontrée! Merci pour le début de cette belle amitié et pour ton soutien dans ma guérison XX

    1. Ma très chère Nat,
      Merci à toi pour ton message qui me touche énormément ♥ Je suis très heureuse de t’avoir rencontrée, et d’avoir pu t’aider dans ta reconstruction. C’est le début d’une belle amitié, sache que je suis ravie de pouvoir suivre les étapes de ta renaissance et le chemin vers ta résilience. Tu peux être fière de toi, bravo encore pour tout le chemin parcouru depuis que nous nous connaissons ! Tu verras, le meilleur est à venir 😉 Gros bisous et à très vite !

  6. Bonjour Anya, merci pour cet article et ta dernière vidéo qui résonnent aujourd’hui en moi. Je commence à faire des liens entre mes traumatismes et la manière dont mon corps me l’a exprimé depuis plus de 15 ans alors que je refoulais avec ferveur ces différents traumatismes. Je comprends enfin mieux mes problèmes de sommeil, mes maux de gorge, angines et laryngite, mycoses et infections urinaire à répétition … et maintenant que ma parole se libère progressivement j’espère comme toi que ces maux là vont faire parti de mon passé !

    1. Bonjour Camille,
      Merci pour ton message et ton partage. Que de chemin parcouru pour toi… Tu peux en être fière, et bravo et pour avoir fait le lien entre le corps et l’esprit !
      Prends bien soin de toi ❤️ Bisous et belles fêtes de fin d’année ?

  7. Bonjour Anya,

    J’ai exactement les même maux que vous depuis maintenant 6 ans. Je sais que c’est lié à du harcèlement sexuel de la part de mon père lorsque j’étais enfant. J’ai fais appel à plusieurs thérapeutes qui trouvent que j’ai les mêmes “symptômes et blocages” qu’une personne ayant subi un viol, mais je ne me rappelle pas. Alors comment libérer sa parole et guérir quand on ne se souvient pas ??

    Merci de votre attention.

    Laurence

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